Paroles de détenus
Peu de gens connaissent la réalité de la vie en prison. C’est d’abord celle d’une souffrance quotidienne, marquée par la promiscuité, l’impossibilité de faire trois pas d’affilée dans des cellules minuscules, l’absence du confort le plus élémentaire ou la très grande difficulté à garder le contact avec le monde extérieur. Il semble difficile de réfléchir à des améliorations de cette situation, d’imaginer une prison peu ou prou souhaitable, sans cautionner la logique carcérale dans son ensemble. C’est pourtant ce que nous avons essayé de faire à l’occasion de quelques heures d’échange avec des détenus de la maison d’arrêt de Lantin.
par Luca Piddiu et François Schreuer
La prison de Lantin, construite il y a 40 ans, essuie de nombreuses critiques : taux de surpopulation parmi les plus élevés du pays (30,8 % en 2016 ), insalubrité, affaissement de terrain, infiltrations d’eau dans la maison d’arrêt. En guise de réponse, le dernier Masterplan en date (Masterplan III) prévoit le remplacement de l’actuelle maison d’arrêt par un nouveau bâtiment de 312 places (contre 343 à l’heure actuelle), un projet qui a fait à nouveau parler de lui dans la presse, en octobre 2017, le projet d’extension de la maison d’arrêt empiétant sur une exploitation agricole bio voisine.
Nous n’imaginions pas évoquer les nombreux problèmes que pose Lantin (à la fois par sa conception originelle que par ses situations actuelle et future) sans donner la parole aux premiers concernés : les détenus. Grâce à l’aumônier catholique et à la conseillère laïque qui officient dans la prison, nous avons pu, avec une douzaine de prisonniers volontaires pour l’exercice, évoquer pendant trois heures les conditions de leur enfermement et réfléchir à la manière dont la forme-prison pourrait se transformer.
Nous sommes partis d’une proposition faite aux participants : refaçonner la prison. Si, demain, leur avis leur était demandé dans le cadre d’une rénovation ou d’une reconstruction de Lantin, que diraient-ils ? Trois échelles étaient proposées : la cellule, la prison, et la situation de la prison dans la région ou la ville. Des dessins sur papier, accompagnés d’une liste écrite d’arguments sont sortis de ce moment de réflexion et ont ensuite servi de base à une mise en commun, puis à un échange.
Lantin, ce sont des champs et des cyprès enserrant une énorme enceinte grisâtre, si haute qu’on ne distingue pas les bâtiments intérieurs. Nous sommes autorisés à entrer après avoir laissé nos téléphones portables et nos cartes d’identité, après avoir pris la pose devant une caméra qui fixe notre visage sur un badge et dans le système informatique, après avoir franchi un détecteur de métaux rappelant ceux des aéroports. Nous franchissons des portes et encore des portes, toutes d’acier, massives ou grillagées — elles doivent être refermées immédiatement après le passage — pour atteindre la salle des visites, où aura lieu l’atelier. Cette pièce, qui peut tout au plus accueillir quelques dizaines de personnes, dispose de quelques fenêtres à barreaux, tandis que, sur les murs s’étale une fresque peinte par un ancien détenu et représentant les aventures d’Astérix le Gaulois, en pleine forêt, aux prises avec les Romains. Les hommes que nous rencontrons sont ici en maison d’arrêt, dans la tour à huit étages, construite en V. L’une de ses ailes est surnommée « Bagdad » et l’autre « Beverly », car cette dernière est réputée plus propre et « mieux » fréquentée. Précision nécessaire, la maison d’arrêt est réservée aux prévenus et aux condamnés en attente d’une place en maison de peine. Certains y purgent d’ailleurs l’entièreté de leur peine si la condamnation est suffisamment courte. Lorsque les détenus entrent, en file indienne, ils sont accompagnés des surveillants qui les laisseront seuls avec nous le temps de l’atelier. Pour la plupart enthousiastes à l’idée de se prêter au jeu, ils se mettent rapidement à la tâche, une fois nos intentions précisées.
À deux ou à trois dans 9 m²
Le premier cadre, celui de la cellule, est largement, le plus discuté. Rien d’étonnant, étant donné le temps que passent les détenus dans celle-ci, généralement 23 heures sur 24, en maison d’arrêt. Les explications commencent et, très vite, l’obstacle principal se dresse : nous, les rapporteurs de l’atelier, n’avons qu’une idée vague que de ce qu’est la vie en prison, de l’aménagement d’une cellule. Un détenu se propose de nous l’expliquer : « Ce sont des cellules datant de 78-79. Elles font 2 m sur 3 de superficie, tandis que les lits superposés sont d’1 m de large et la table d’1 m 50. Le reste de la pièce se compose d’une poubelle, un évier, des toilettes et d’une armoire dans le coin. » Le peu d’espace restant est pointé du doigt par les participants : « En gros, il reste 35 cm pour marcher. À deux. »
Le besoin d’intimité transparaît dans tous les témoignages et se retrouve dans les revendications, dont l’aspect des toilettes et de la douche. Cette dernière est actuellement située en dehors des cellules et peut être prise seulement deux fois par semaines. « Nous aimerions un accès fermé à la douche, toilettes et à l’évier », exprime un participant. Un autre groupe renchérit : « Si on est deux en cellules, il faudrait alors avoir des toilettes et une douche séparée. » Cette exiguïté se conjugue avec une absence d’espace privé : « Pour ce qui est de la toilette, il y a un petit paravant arrivant à la taille des hanches, mais c’est tout ».
Certains participants préféreraient des cellules individuelles, en raison des habitudes (de coucher et de lever, notamment) différentes de leur « duo ». D’autres, en revanche, préfèrent avoir de la compagnie étant donné la solitude de leur situation. Tous s’accordent évidemment pour augmenter la taille des cellules, les faisant passer des 9 m² actuels à 12 ou 20 m² selon les groupes. La volonté de sortir de leur cellule un peu plus régulièrement, en dehors de certains ateliers (où le nombre de participants est limité) et des sorties d’une à trois heures dans les cours (le « préau ») font partie des souhaits récurrents des participants : « Des activités sportives ou une salle de sport. Voire un coin vert, où l’on pourrait cultiver ou jardiner. Et des activités comme avant. » En raison de la surpopulation carcérale et du manque d’agents, les prisonniers ont moins d’activités et sont confinés dans leurs quartiers, au contraire de la maison de peine, dont les cellules s’ouvrent le soir de 6 à 9 h et où les détenus peuvent participer à des activités plus régulières.
L’enfermement est vécu difficilement par la plupart des détenus. Portes et fenêtres circonscrivent un confinement extrême. « Ce sont des portes fermées, complètements hermétiques. Je préfèrerais une porte qui laisse mieux passer l’air », avance un participant. « Ou du plexi comme à Marneffe », lui répond un autre. Quitte à sacrifier de l’intimité face au regard des gardiens ? « Les portes garderaient des œilletons, précise un groupe, mais on pourrait imaginer des cellules avec des clés électroniques dont nous aurions un accès limité » C’est que l’obtention d’aménagements spéciaux se fait généralement en parallèle d’un abandon supplémentaire à la surveillance, comme en témoigne la prison de Marche-en-Famenne (voir encadré). Les fenêtres participent également à l’étouffement que ressentent les prisonniers de la maison d’arrêt, celles-ci étant doublées d’une « couche » de grillage, en plus des barreaux habituels. La présence de ce maillage étroit remonte à il y a peu de temps : « Ça date de l’année passée, pendant les grèves. Ils ont mis ça soi-disant contre ceux qui jettent des crasses. » On tient à nous préciser que le passage des poubelles se fait une fois par jour, le soir, et que lors de la grève des gardiens de 2016, certains déchets ont été jetés des fenêtres, en l’absence de sacs poubelle et ramassage régulier. « Oui, ça a été surtout pendant les grèves. Ils ont retrouvé des gros tas de crasses jetés par la fenêtre. Il faut dire qu’on était en cellule 24 h sur 24 en cellule, sans pouvoir sortir ou se doucher, pendant des semaines ». Un des participants souffle : « Les grillages, c’est trop… il fait sombre la journée ». La grève d’une durée de deux mois a d’ailleurs profondément marqué ceux qui étaient déjà incarcéré à cette époque : « Comment décrire la grève ? Invivable, inhumain, 24/24 en cellules. Aucune douche pendant 35 jours. Le repas, on le recevait une seule fois à midi, même chose pour l’eau chaude avec une seule cruche avec laquelle on essayait de se laver. Un rouleau de papier toilette par semaine. Pas de visites, pas de téléphone, pas de préaux, rien. On a été traités comme des chiens. On nous distribuait seulement des paquets de tabac à 2,5 €. » Ce confinement total dans les cellules témoigne du rôle crucial des surveillants pénitentiaires dont les prisonniers sont dépendants au jour le jour. Un autre prisonnier présent en mai et juin 2016 en garde un souvenir… olfactif : « Ce qui m’a marqué, c’était l’odeur ! On n’avait pas de poubelles, les anciennes fenêtres en oscillo-battant étaient dégueulasses. Et encore, j’étais au deuxième étage, pas au premier. En fait, le seul pseudo-avantage était d’avoir la télévision gratuite. »
Plus de place, plus d’espace
La vie dans la maison d’arrêt de Lantin est sommaire, très loin du confort que certaines images d’Épinal véhiculent parfois. Peu de choix pour la nourriture : les menus sont répartis entre traditionnel, halal et végétarien. Si l’on veut plus de choix, comme un menu sans graisse ou sans gluten, la prescription médicale est exigée. Les repas chauds se prennent dans la cellule — il n’y a pas de cafétéria collective — et uniquement à midi. Six tranches de pain, en fin d’après-midi, font office de souper et de déjeuner du lendemain. La faim tiraille souvent les plus jeunes prisonniers, tandis que d’autres se plaignent du manque de fruits et légumes frais dans les menus (qu’ils doivent alors cantiner au prix fort). Il n’est pas toujours possible de cuisiner ce que l’on obtient. Un peu d’eau chaude le matin, vite refroidie, mais pas d’accès à l’eau chaude directement dans la cellule. « La table est un bloc en granit qui refroidit très vite les plats chauds », explique l’un des participants. « On a le droit d’avoir des aliments de la cantine, mais pas de les cuisiner. » Il y a bien cette technique débrouillarde digne de MacGyver pour fabriquer un réchaud improvisé, mais cela se fait aux risques et périls des prisonniers qui s’y osent, la méthode pouvant valoir des rapports disciplinaires au cuistot. « C’est un truc avec une boite de sardines, du harissa, de l’huile et du papier. On brûle, et il y a une longue flamme. On met ensuite l’assiette au-dessus. Les militaires faisaient ça avant », nous explique-t-on, avant de préciser aux novices que nous sommes qu’il y a d’autres méthodes, plus dangereuses : « Après, il y a les “toto”. Je ne le fais pas parce que j’en ai trop peur. Ça marche en enlevant le câble de la télé de la cellule, en le dénudant et en mettant les pôles négatifs et positifs dans l’eau. Elle chauffe pour faire un bain-marie. Mais attention, il ne faut pas que les fils se touchent, ni consommer l’eau ». La cellule dessinée serait dès lors équipée, pour un des groupes, d’un réchaud : « Nous aimerions avoir une plaque chauffante, même en maison d’arrêt, pas uniquement en maison de peine. Et peut-être également la possibilité d’avoir un peu plus de diversité, question nourriture. » Un autre groupe envisage lui, un coin cuisine, « pour avoir le droit de cuisiner, avec plaque chauffante, couverts, assiettes, marmite et casseroles ». Autres aménagements, les ordinateurs et téléviseurs sont cités par plusieurs groupes, ces outils étant pour l’instant en accès payant, 19 € par mois pour la télévision tandis que l’ordinateur hors-connexion n’est accessible qu’à ceux pouvant prouver une formation en informatique. « Un chauffage au sol, pourquoi pas ? », propose un participant, qui ne dispose comme tous les autres que d’un radiateur en fonte peu efficace. L’autre demande matérielle récurrente concerne les espaces de rangements, peu nombreux et non sécurisés dans les cellules actuelles et la possibilité d’obtenir davantage de matériel d’entretien.
Des contacts avec l’extérieur facilités
Le contact avec l’extérieur passe par trois moyens : le téléphone, les visites et les lettres. Pour ce qui est du premier, son accès n’est pas simple. Les appareils se trouvent à l’extérieur de la cellule, dans les couloirs, deux par aile. Une inscription sur un registre 24 h à l’avance est nécessaire, et dépend là aussi du service des agents pénitentiaires « Je m’inscris à 19 h, quand ça coûte moins cher. Quand les gardiens viennent parfois trop tôt, je paie plus cher. J’use plus de 100 € par semaine en téléphone ». En dehors du prix, les protocoles ne rendent pas simple l’utilisation de l’appareil et, forcément, ralentissent toute tentative de communication. « On perd également du temps lors de la composition d’un code, qu’on doit rentrer à chaque appel, donc plusieurs fois quand on a accès au téléphone » Lorsqu’un détenu rentre en prison, il reçoit un code à 6 chiffres à encoder, puis un code personnel à 4 chiffres, et enfin le numéro. « Cela nous prend du temps sur nos appels, dès qu’on raccroche, même si on doit retéléphoner à quelqu’un d’autre. Idem quand ça ne répond pas directement de l’autre côté. » Sans contact avec l’extérieur, il faut parier sur un coup de chance si les deux parties ne sont pas accordées sur un créneau horaire commun : « Quand on parle de téléphone, on parle évidemment de fixe à fixe, ce qui implique que la personne soit présente, personne qui n’est pas prévenue. On peut essayer de retéléphoner, comme quand ma femme était aller faire des courses, mais ça demande qu’un agent soit compréhensif. En fait, vous êtes dans la vie, mais au ralenti. » D’aucuns proposent alors un accès facilité aux moyens de communication, en ayant conscience de leurs limitations : « Un accès limité à un téléphone dans la cellule, sans payer des sommes astronomiques. Pourquoi pas un gsm avec un accès bloqué et contrôlé, pour ne pas communiquer avec d’autres détenus ? »
Les visites des proches, quant à elles, sont limitées dans le temps, d’abord en raison de l’éloignement de Lantin des centres urbains. Un détenu évoque ce problème : « Il faut penser aux familles qui se tapent des centaines de kilomètres. En voiture, ça peut être facile, mais en bus, ça demande beaucoup plus de temps. » Les prisonniers sont souvent incarcérés dans la région où a été commis le crime ou le délit, certaines familles devant ainsi consacrer la journée entière à la planification d’une visite. Ensuite, les visites, officiellement d’une heure, mais souvent plus courtes en raison du roulement, se déroulent toute la journée à partir de 8 h 30 jusque 16 h, les visiteurs devant arriver plus tôt pour s’inscrire sur une liste aux places limitées. En conséquence, les familles doivent arriver très largement en avance pour s’assurer d’avoir une place à l’une des visites. Aucune visite n’est possible en soirée, rendant celles-ci difficilement conciliable avec une vie professionnelle : « Les visiteurs doivent arriver au plus tard à 13 h 30 afin d’avoir une heure de visite. Dans certains cas, ils doivent attendre plusieurs heures. Certains arrivent à 10 h et doivent attendre jusque 13 h. Le soir, ça serait bien aussi. De plus, si notre avocat vient, c’est prioritaire sur la visite. » Parfois plusieurs d’heures d’attente pour une cinquantaine de minutes de visite. D’autres types de visites sont organisées (elles durent 2 h, maximum 2 fois par mois), afin de consacrer plus d’intimité aux couples ou aux familles qui le souhaitent, il s’agît des visites hors surveillances, surnommées « VHS », aménagées en « chambres », d’autre en « salons »). Légalement, « il faut aussi prouver qu’on connaît la personne depuis 6 mois ou qu’on soit en ménage pour profiter de la VHS », commente un détenu. À l’unanimité, les participants à l’atelier souhaitent également davantage de proximité avec les un réseau de transports en commun : « Une prison à 2 km maximum d’une gare, afin de faciliter les visites » Certains proposent de relocaliser la prison en ville : « Pourquoi pas à Bavière ? Ça serait accessible beaucoup plus facilement. Même à pied. Il n’y a pas vraiment de moyens de transports ici. Il n’y a qu’un seul bus. On est vraiment loin de tout. »
Entre craintes et ennui
La maison d’arrêt comprend un bloc spécifique pour les internés n’ayant pas de place dans l’annexe psychiatrique. En théorie, les internés et les détenus présentant des troubles mentaux passagers sont maintenus dans l’annexe mais, selon certains participants à l’atelier, ce n’est pas toujours le cas, notamment en raison de la surpopulation qui force la cohabitation de prisonniers aux profils bien différents. À Lantin, il existe une annexe psychiatrique où sont placés les personnes internées devant normalement être détenues dans des établissements de défense sociale (EDS) à Paifve ou Tournai. Dans l’attente d’une place dans un EDS, ils doivent être logés dans une annexe psychiatrique d’une prison, comprenant personnel et activités spécifiques. C’est le cas de Lantin, mais vu son engorgement (lié au manque de place en EDS), il arrive fréquemment que des personnes internées se retrouvent sur un niveau normal de la tour et, parfois, en « duo » avec une personne détenue de droit commun. « Il ne faut pas mélanger les toxicomanes avec des non-consommateurs. En fait, il faudrait un test psychologique dès l’entrée pour tout le monde. Il y a des gens complètement schizophrènes. J’ai été avec un toxicomane en cellule qui a essayé de me tuer », raconte l’un des participants, même s’il faut noter que les personnes toxicomanes ne sont pas des internés sauf s’ils font état d’une pathologie psychiatrique en sus. En outre, la crainte de ne pas connaître la situation et les éventuels problèmes de son compagnon de cellule s’étend aussi aux cas de maladies : « Le pire c’est de mettre les gens qui ont des maladies, comme la tuberculose ou l’hépatite A, avec ceux qui sont en bonne santé. Il faudrait donc aussi des tests médicaux réguliers. Ce n’est pas normal de ressortir de la prison en étant malade. » De la même manière, les participants disent ne pas vouloir d’un mélange avec des individus emprisonnés pour fait de mœurs. D’ordinaire, dans la « huitième », ces détenus ne sont pas mis en contact, pour leur propre sécurité, avec le reste des prisonniers, à moins que le « pointeur », comme les appellent les autres détenus, ait signé une décharge.
En dehors de cette volonté, les structures de la prison imaginée par les participants à cet atelier ressemblent à bien des égards à ce que les prisonniers connaissent, au détail près qu’il s’agit de prisons plus petites, et aux aménagements permettant de faire du sport, des espaces verts et des potagers, ainsi que des « des préaux quotidiens et répétitifs », afin de ne pas installer une permanente oisiveté. Il semble difficile, dans un cadre comme celui de la prison, d’imaginer d’autres formes de punition, fondamentalement différentes de ce que les détenus vivent actuellement, à l’exception d’une proposition où ces derniers « pourraient être utiles, en allant aider à reconstruire des maisons dans des pays ayant vécu des catastrophes naturelles ». Pour le reste, les participants envisagent des prisons sans surpopulation « pour que personne, y compris les gardiens, ne soit débordé », mais insistent, dans le même temps, sur les effets d’une réponse par la détention à chaque délit : « Il y a des gens qui devraient pas se retrouver en prison, car ils ne sont pas une menace pour la société. Ceux qui sont là pour des plantations (de cannabis, ndlr.), qu’ont-ils fait à part utiliser du courant ? On met en prison des gens qui n’ont pas de papiers… » Les détenus de la maison d’arrêt tiennent également à signaler l’ennui qui les habite en prison, et la difficulté de concevoir un projet ou de se réinsérer sans moyens mis à leur disposition, comme en témoigne un jeune homme : « Très franchement, il faudrait plus d’aide à la réinsertion dans la prison. Il y a des cours par correspondance, mais pas beaucoup plus. Avant, je voyais la prof. d’anglais, mais maintenant elle n’est plus là. J’aimerais aussi passer mon permis, mais je n’ai pas de possibilité de le faire. Ici on perd notre temps, alors à quoi bon si on ne fait rien de concret ? »
Pour citer cet article
Piddiu L., Schreuer F., « Paroles de détenus », in Dérivations, numéro 5, décembre 2017, pp. 58-62. ISSN : 2466-5983.URL : https://derivations.be/archives/numero-5/paroles-de-detenus.html
Vous pouvez acheter ce numéro en ligne ou en librairie.