Dérivations

Pour le débat urbain

Des maisons pour en finir avec la prison

Entretien avec Hans Claus

Et si on remplaçait les prisons par des maisons ? Des structures à taille humaine où une approche personnalisée et « responsabilisante » offrirait aux détenus une chance réelle de retrouver pied dans la société ? C’est l’idée de l’asbl « De Huizen ». Si elle a déjà obtenu la création de deux premières « maisons de transition » belges dès 2018, son objectif à terme est bien de modifier tout le système pénitencier, voire notre société. Derrière ce projet, Hans Claus, militant des droits de l’homme, artiste… et directeur de prison

propos recueillis par Jean-Michel Leclercq

Vouloir changer le monde à 17 ans c’est normal. Vouloir le faire en devenant directeur de prison, c’est plus rare ! « Mon ambition, à l’époque déjà, était d’aider les gens. Or n’était-ce pas là, en prison, que l’on trouvait les franges les plus faibles, les plus fragiles de la société ? » Quand il parle, Hans Claus rit souvent. Surtout s’il parle de lui : « Je ne suis plus chrétien depuis longtemps, mais c’est clair qu’un tel idéal vient de mon éducation chrétienne. Je fréquentais une école où l’on pratiquait une interprétation révolutionnaire du christianisme. Le but était de renverser le monde tel qu’il est. Les derniers seront les premiers, et tout ça. »

Né dans une famille d’artistes (« où j’ai appris à penser hors cadre, à me dire que la réalité, on peut la créer »), Hans Claus n’a jamais cessé de peindre. Il est aussi photographe. Par deux fois, nous a-t-il confié, l’impression de n’être qu’un maillon inutile au sein du vaste système pénitencier, lui a fait songer à quitter la prison pour l’art. Une de ces fois-là, le hasard lui fait rencontrer un ex-détenu dans leur fétiche. Claus lui fait part de son désarroi… « Non, toi, tu n’arrêtes pas », s’est-il entendu dire. « Tu dors ou tu peins dans ton bureau si tu veux, mais tu restes. Tu n’imagines pas ce que cela veut dire pour nous d’avoir là quelqu’un comme toi. » Hans Claus est donc resté directeur de prison. Fidèle à ce choix d’adolescent rebelle pas comme les autres.

Après ses études en criminologie et les examens d’Etat, son premier poste fut à la prison de Gand, où il est resté onze ans. Depuis 2001, il dirige celle d’Audenarde. C’est là qu’il nous a reçu fin septembre. Très tôt, Hans Claus fut de ceux qui ont fait entrer la culture, l’éducation et la formation en milieu carcéral. Très tôt aussi, il a vu l’intérêt d’un réaménagement de ces forteresses vétustes héritées du XIXe siècle. Il a compris aussi que l’essentiel était d’envisager avec les détenus ce qu’ils voulaient faire de leur vie. Leur vie d’après.

Mais l’expérience a forgé cette autre conviction : un peu de culture et une meilleure architecture ne changeront jamais le problème de fond, lié la structure-même des prisons. Leur taille et la philosophie qui a présidé à leur construction voici deux siècles déresponsabilisent l’individu, attisent le ressentiment et accentuent la coupure avec le monde. Bref, la prison déshumanise. Intolérable pour ce militant de la Ligue des Droits de l’Homme.

Le projet de De Huizen se veut un changement radical : remplacer à terme — et tant pis si cela prend un siècle — toutes les prisons par des maisons de détention. Des petites structures qui accueilleraient des groupes de 10 détenus, ou maximum 3 fois 10 détenus. Jamais plus. Cela permettrait des relations plus personnelles et des tâches de responsabilisation (cuisine, nettoyage ou travail d’intérêt général). Disposer de maisons variées faciliterait en outre une approche différenciée, tant du point de vue sécurité que des besoins spécifiques des détenus. Les groupes de recherche de De Huizen ont ainsi déjà conçu 200 types de maison différents.
Que ce soit auprès du grand public ou des professionnels, le projet surprend. « En deux siècles seulement, les prisons sont parvenues à passer pour un état ’naturel’des choses, c’est leur plus grande victoire », souligne Hans Claus. Vouloir en finir avec les prisons soulève autant de questions que de freins. N’empêche, le lobbying fonctionne. De Huizen compte des membres dans tout le pays et l’intérêt dépasse le cadre belge, si bien que l’association organisera l’an prochain un séminaire international. Sur le terrain, l’ouverture de deux maisons de transition en 2018, suivies de cinq autres à partir de 2019, illustre son influence concrète. Certes, ces maisons ne concerneront que la dernière année de détention d’une partie des détenus, mais c’est un premier pas dans une vision à long terme. Vision qui dépasse le seul cadre carcéral. Car la conviction d’Hans Claus est qu’il est possible de changer la société. Avec stratégie, patience et utopie.

Dérivations : Vous êtes devenu très jeune directeur de prison. Quand avez-vous été amené à voir les limites du système carcéral ?
Hans Claus : Dès le départ, j’ai voulu être créatif au sein de la prison. J’étais comme beaucoup de gens : j’acceptais l’institution comme un « fruit naturel », un archétype qu’on n’interroge pas. Si j’avais choisi cette voie, ce n’était pas pour diriger une institution, mais pour travailler avec les détenus. La rencontre avec eux a donc tout de suite été primordiale. Or, quand vous les écoutez, il y a beaucoup de frustrations. Qu’ils acceptent leur peine ou non, tous veulent faire quelque chose de leur vie. Mais c’est difficile dans un lieu qui assume toute la responsabilité à votre place. Car le système veille surtout sur lui-même : l’essentiel des règles servent non pas l’individu mais l’institution. C’est quelque chose dont j’ai très vite pu parler d’homme à homme avec les détenus. Ensemble, nous pouvions rire du système.

D : Le système judiciaire et étatique, ou la prison en tant que telle ?
HC : Le premier cadre, c’est la prison. Les obligations qu’on y crée pour des raisons d’efficacité, d’unité. Le niveau central, le politique, essaie d’organiser tout ça. Mais c’est une illusion. Quand je suis arrivé à la prison de Gand, au début de ma carrière, sa rénovation était encore en cours. Le bâtiment datait de 1865. Là, j’ai pu voir l’effet des transformations imaginées par mon prédécesseur. En cherchant les couleurs, la lumière, en enlevant des grilles, en proposant un espace de visite pensé pour l’intimité des détenus et non pour les contrôler, une véritable amélioration avait eu lieu. J’ai ainsi compris que la prison était avant tout un bâtiment. Que tout le reste, en découlait. Plus tard, j’ai pris de nombreuses initiatives pour faire entrer la culture, l’enseignement ou veiller à la formation des agents. J’étais malgré tout toujours confronté à la même frustration. Car tout cela ne changeait pas le fond du problème.

D : L’idée de De Huizen est née d’un déclic ou d’une succession d’événements ?
HC : Vers 2010, le gouvernement a décidé de répondre à la surpopulation carcérale par encore plus de prisons. C’est là qu’avec d’autres criminologues, nous nous sommes réveillés. Voilà cinquante ans que des études démontrent que la détention crée plus de problèmes qu’elle n’en résout. Qu’elle est un échec. Et là, leur seule perspective était de détenir les gens le plus longtemps possible ! Pour nous, c’était totalement contradictoire avec la Loi de base de 2005, qui fixait les objectifs de la détention : pour le bien-être de tous, il fallait chercher à « normaliser » la vie du détenu et à le responsabiliser pour viser sa réintégration à la société et la réparation… Mais pour moi, faire entrer le Forem, le VDAB ou le sport en prison ne normalisera jamais rien. Car les prisons ont été pensées il y a 200 ans pour exclure la société. À l’époque, on croyait à l’effet positif de l’isolation d’une société vue comme source de tous les maux. La prison comme un paradis préservé de l’enfer du dehors !

D : D’où cette idée de changer de perspectives.
HC : Un jour, Kristel Beyens, professeur à la VUB, m’a demandé à quoi ressemblerait « ma prison idéale ». Or il y avait ce rêve que j’avais fait…

D Un rêve ?
HC Oui, j’ai fait rêve, comme dirait l’autre (rires). J’ai rêvé que je vivais dans une maison avec des détenus d’ici, de la prison d’Audenarde. C’est des gens que je connais bien, car ils sont là pour longtemps. Ce jour-là, je me suis réveillé avec un étrange sentiment de « normalité ». Je me suis dit : oui, avec ces gens-là, il serait tout à fait possible de vivre, d’organiser une détention à taille humaine. Le projet est né de ce rêve-là, rêve que j’ai corrélé avec l’idée de « normalisation » : dans cette perspective, ne peut-on pas se dire que les gens « normaux » ne vivent pas dans une sorte d’usine mais bien dans des maisons ?

D Puis, ce rêve est devenu un projet concret…
HC Le ministre de l’époque, Stefaan De Clerck, était venu remettre des diplômes aux détenus. C’est là que j’ai entendu parler pour la première fois de la prison de Haren. Avec ses 1200 places ! Un journaliste m’a demandé ce que j’en pensais. Je lui ai répondu que plutôt qu’une prison de 1000 places, le ministre ferait mieux d’acheter cent maisons à Bruxelles : « honderd huizen » plutôt que « Duizend ». Il y avait une allitération, ça sonnait bien. La poésie a son importance, hein… [Rires] L’article a suscité beaucoup de réactions. Certains trouvaient cela ridicule, d’autres intéressant. J’ai mis le sujet sur la table de la Ligue des Droits de l’Homme, dont je suis membre. Je leur ai demandé si je pouvais lancer quelque chose en leur nom. Ils ont accepté.

D Quelle a été votre première démarche ?
HC Téléphoner aux politiciens ! C’était l’époque où il n’y avait pas de gouvernement : ils étaient libres. [Rires] J’ai invité des spécialistes de tous les partis, francophones et flamands (à part le Vlaams Belang bien entendu). Je leur ai offert un morceau de tarte en leur disant que la Ligue des Droits de l’Homme avait une idée. Ils m’ont répondu qu’on ne pouvait rien faire sans une étude sérieuse, mais tous ont admis que la Belgique était à la traîne sur le sujet. J’ai donc pu les convaincre de me laisser initier un groupe de travail stratégique.

D : Qu’a fait ce groupe de travail ?
HC : Des visites à l’étranger, des calculs, des maquettes. On a travaillé pendant deux ans avec notamment des architectes, des criminologues, des journalistes, des philosophes, des artistes ou encore des économistes qui ont calculé la viabilité du projet. 120 personnes réparties en divers sous-groupes que j’ai présidés à raison de deux à trois fois réunions par semaine. Cela a donné ce concept sur lequel nous étions tous d’accord. Un concept et trois principes de base.

D : Quels sont ces trois principes ?
HC : Tout d’abord, la maison doit être petite. Pas plus de trente détenus, c’est-à-dire trois unités de dix. D’où vient ce chiffre ? On a croisé les expériences de professionnels travaillant en psychiatrie ou en aide à la jeunesse, avec les besoins des détenus, qui sont différents. Cela nous mène à un deuxième principe : la différenciation. Si on parle de sécurité par exemple, il faut savoir que tous les détenus ne nécessitent pas un même degré de sécurisation. Or il est difficile de sécuriser un petit groupe dans un grand ensemble. On pourrait ainsi imaginer des structures plutôt ouvertes (comme cela se fait déjà — et avec succès — en Scandinavie) et d’autres vraiment fermées… Le troisième principe est créer un lien avec l’environnement direct. À travers des activités liées aux besoins d’un contexte. Cela pourrait être une cantine, une épicerie. Même dans le cas d’une maison fermée, où le public ne verrait pas les détenus, on pourrait imaginer par exemple un atelier de réparation de vélos. Le but est de créer un lien entre la société et les détenus. Car un des grands problèmes actuels est que tout le monde veut la détention, mais personne ne veut la voir. Elle est donc reléguée au loin… Comme si par magie, le détenu allait disparaître et revenir ensuite tel un ange. L’idée d’activités liées au contexte, c’est aussi sortir du schéma où la détention fait venir tout de l’extérieur et en dépend. Ici, elle peut donner. C’est important pour l’estime de soi du détenu. Mais aussi pour « l’homme libre ».

D : C’est l’idée aussi que si « la société » est en partie responsable de la criminalité, elle doit aider les détenus…
HC : Oui, on donne aux détenus la possibilité de réparer. Et de nouveau, la différenciation permet de penser différents cas de figure en fonction des besoins des groupes cible. Attention, ce n’est pas une idée neuve. On a déjà expérimenté pas mal dès les années ’30 avec des structures ouvertes telles que la ferme Ruyselede ou le château de Marneffe, qui existent toujours. De même, on a différencié les détentions pour la jeunesse ou les personnes souffrant de troubles mentaux. On a créé ces systèmes parce qu’on s’est interrogé sur la notion de responsabilité… Mais comment faire avec tous ceux qui sont dits « responsables » et qu’il faut néanmoins amener à prendre leurs responsabilités ?

D : Vous parliez de réparation. Comment répare-t-on un crime ?
HC : La théorie évoque le triangle victime — coupable — société (et éventuellement l’Etat). Par rapport à la société, la réparation peut consister à y reprendre un rôle. Envers la victime, cela peut se faire de façon indirecte par un biais financier. La position de la victime, il est vrai, a été longtemps négligée. Le crime a toujours fasciné, inspiré des livres, des films. La victime, moins. Comme si ce n’était pas intéressant ! C’est tout l’intérêt d’une notion comme celle du « droit réparateur », basée sur l’idée qu’une des choses les plus importantes pour la victime est que l’auteur reconnaisse le crime et le dommage causé. Certains voudraient même remplacer le droit pénal, qui met l’accent sur le répressif, par ce droit réparateur. Mais là, je dis de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : il ne faut pas oublier que le droit pénal a représenté une évolution, un pas vers la civilisation. Les tribunaux et les prisons ont été créés pour éviter la loi de la jungle, la vengeance…

D : Les maisons de détention seraient le signe d’une vision nouvelle ?
HC : Oui, même si on entend dire que c’est naïf et que l’on ne pense pas aux victimes. À l’inverse, certains tenants de la justice réparatrice nous reprochent de vouloir maintenir la détention, qui devrait selon eux être remplacée d’emblée par des peines d’intérêt général ou de probation… Mais je suis convaincu que l’on ne peut pas abolir d’un coup la détention. Car cela demanderait un contrôle social que la société actuelle n’est pas capable de fournir. Je crois qu’il faut être réaliste. Or, nos propositions le sont. Même dans un contexte de crise.

D : Une question bateau : comment savoir si ça peut marcher ?
HC : Les maisons de transition qui vont voir le jour sont une copie du projet Exodus en Hollande. Il y en a une douzaine depuis vingt ans et cela marche. En Norvège, il y a de petites maisons d’arrêt qui fonctionnent très bien. On peut citer à nouveau Ruiselede ou d’autres expériences, par exemple en France avec des prisons pensées comme des petits villages. Celles-ci demeurent toutefois de vraies prisons, des lieux coupés de la société : il y manque ce lien avec l’environnement qui nous semble si important… En analysant tous ces exemples, nous avons pointé ce qui, selon nous, marchait ou ne marchait pas. Pour en arriver à tout résumer en trois principes.

D : Les futures maisons de détention belges accueilleront les détenus un an avant leur possible liberté conditionnelle. On est loin de vos objectifs.
HC : C’est pour ça que de Huizen a déjà lancé un groupe de travail stratégique « numéro deux » ! [Rires] Notre premier objectif est d’accompagner ces premiers projets de façon intensive et d’aider à ce qu’ils fonctionnent. Nous avons rédigé une note de recommandation : comment choisir le site, faire l’étude sur l’environnement, communiquer avec le quartier, la commune… Nous sommes aussi en contact avec neuf entités désireuses d’accueillir une maison de détention, un monastère, par exemple, ou encore la ville de Genk. Les motivations sont multiples. Nous nous engageons à être présents à leurs réunions, à les épauler et à les tenir au courant de ce qui se passe… Enfin, nous pensons aux étapes suivantes. Nous avons ainsi créé une assemblée qui s’intéresse plus spécifiquement au sort des 18-25 ans, dont nous aimerions faire une catégorie à part afin d’éviter, comme cela se passe actuellement, qu’ils rentrent en prison pour un délit mineur et en ressortent grands criminels…

D : C’est donc très large.
HC : Oui, nous avons aussi été contactés par des communes confrontées à des problèmes de radicalisme. Souvent, elles suivent des individus depuis longtemps. Puis ceux-ci se retrouvent en préventive loin de chez eux et le contact se perd. Elles ne savent ni quand ils en sortiront, ni dans quel état. Des maisons de détention pourraient les aider à assurer un suivi. Les possibilités sont nombreuses. De fil en aiguille, je crois qu’il y aura toujours de bonnes raisons de créer un accueil adéquat.

D : Vous ne devez pas rencontrer que de l’enthousiasme. Il doit y avoir des freins, non ?
HC : Oui, l’inertie de tout un système. Puis la peur du changement. Lors de nos rencontres, les questions sont toujours les mêmes : Est-ce que ce sera sûr ? Comment payer tout ça ? Et surtout, s’agira-t-il encore d’une peine ? Mais on peut répondre à toutes… Notez, ces résistances existent aussi chez les détenus qui n’envisagent pas de vivre dans un autre système. Certains me disent : « Mais je ne pourrai plus disparaître alors ? Je n’aurai plus droit à l’anonymat, l’autorité saura tout de moi. » Peut-être est-ce là une réponse à ceux qui disent que ce ne sera plus une peine. Car à certains égards, ce sera encore plus une peine. Mais qu’est-ce qu’une peine ? Doit-elle faire mal ? À quel point ? C’est là que je pense à cette prise de conscience souhaitée par les victimes. Une chose que le système actuel empêche.

D : Concrètement qui travaillerait dans ces maisons ? Des gardiens conventionnels ?
HC : Il faudra créer de nouveau métiers. Il reviendra à chaque organisation de recruter son personnel. Mais de nombreux gardiens actuels souhaitent déjà développer d’autres approches et souffrent de ne pas être autorisés à le faire dans l’institution où ils travaillent.

D : Et vous ? Vous êtes à la fois tourné vers ce futur et directeur d’une institution existante.
HC : C’est le quotidien de la prison qui m’a inspiré. Au départ, toutes ces idées étaient étranges pour mes collègues. Désormais, mes deux adjoints ont rejoint l’asbl. Pour autant, il n’est pas sûr que je veuille un jour travailler dans une de ces maisons. Simplement parce que j’aimerais pousser le projet vers les étapes suivantes et qu’en tant que directeur de prison, je continue à avoir un œil sur ce qui ne marche pas […] Quand on aborde certains problèmes à la prison, je me demande souvent si ceux-ci existeraient dans une maison de détention. Dans 80 % des cas, je me dis que non. Parce qu’il s’agit de problèmes institutionnels. Mais il y a bien sûr les 20 % restants. Et bien sûr les nouveaux problèmes qui fatalement se poseraient.

D : Vous n’attendez pas un miracle…
HC : Il faudra observer attentivement la mise en place du projet. Observer comment la transition s’opère, et cela en regard des autres transitions de notre société. D’un point de vue personnel, cette réflexion m’a mené à entamer un livre : un livre sur ce que j’ai appris en cherchant à faire bouger un domaine que je connais et où je cherche à voir comment utiliser cette expérience d’un point de vue global. C’est très ambitieux ! [Rires] Ce que j’ai compris, c’est que pour faire avancer les choses, il faut un rêve. Notre société n’ose plus rêver. Elle a perdu l’utopie. C’est pour ça qu’en cherchant la solution à des problèmes, elle en crée sans cesse de nouveaux : elle reste toujours dans le même cadre. À partir de mon expérience, j’aimerais donner les premiers éléments d’une utopie. Raconter comment à partir d’un rêve, on peut mettre des jalons et commencer à construire. Vouloir faire ça à l’échelle de l’humanité, c’est un peu arrogant. Mais voilà ! Les questions qui se posent en détention ne diffèrent pas tant de celles qui se posent ailleurs : Qu’attends-tu de la vie ? Que veux-tu faire de ta vie ? De quoi as-tu besoin pour cela ? Peut-on t’aider à y arriver ? Regarder en arrière pour trouver la cause d’un problème ne suffit pas. Il faut avoir les yeux rivés sur le futur.

Pour citer cet article

Leclercq J., « Des maisons pour en finir avec la prison », in Dérivations, numéro 5, décembre 2017, pp. 90-95. ISSN : 2466-5983.
URL : https://derivations.be/archives/numero-5/des-maisons-pour-en-finir-avec-la-prison.html

Vous pouvez acheter ce numéro en ligne ou en librairie.

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