Dérivations

Pour le débat urbain

L’aménagement des berges de Meuse à Maastricht

À propos du projet « Markt-Maas »

Liège rencontre aujourd’hui des problèmes similaires à ceux que Maastricht avait avant la transformation de ses berges, en particulier une voie automobile qui déconnecte le centre de la ville de la Meuse. Dans cette contribution, nous décrivons brièvement le contexte, les problèmes rencontrés et le plan du boulevard de Meuse à Maastricht. Nous examinons en outre brièvement les similarités et les différences entre les deux villes.

Contexte

Les berges de la Meuse à Maastricht ont subi plusieurs transformations majeures au cours des ans, à commencer par la construction d’un canal le long de la Meuse, vers 1850. Ce canal permettait le transport par voie d’eau des matières premières et de l’acier des zones industrielles de la Sambre et Meuse jusqu’aux Pays-Bas. La deuxième transformation eut lieu dans les années ’60 quand le transport par voie d’eau s’est réduit en raison de la croissance de l’industrie automobile. Le canal fut comblé et une voie automobile créée |1|. À la fin du XXe siècle, une nouvelle transformation majeure de Maastricht et de ses berges fut initiée : la « Vision structurelle Maastricht 1999-2000 » (« Structuurvisie Maastricht 1999-2000 ») publiée en 1990 fut le point de départ d’un processus de planification visant à restructurer les berges du fleuve |2|. Un large projet urbain, intitulé « Mark-Maas », démarra alors.

Le rapport « Structuurvisie Maastricht » constatait que la Meuse représentait une valeur et une identité majeures pour Maastricht, mais largement sous-employée. L’objectif du plan était de rendre à la ville les berges du fleuve et d’en faire à nouveau une partie de l’espace public. Pour reconquérir les berges de la Meuse, on décida de revoir l’ensemble du plan de mobilité de la ville. L’accent mis sur la qualité de l’espace public était censée fonctionner comme catalyseur et promoteur de qualité pour le renouveau urbain des berges.

Les idées de Jo Coenen pour le quartier Céramique ont également donné une forte impulsion à l’aménagement des berges. Il imagina un « tampon » vert entre les blocs urbains et estimait que ce paysage « naturel » devrait remonter jusqu’au centre ancien de la ville, afin que le cadre historique réapparaisse le long de la Meuse : une ville historique dense dans un paysage verdoyant.

Problèmes

Les berges de la Meuse étaient complètement dominées par des infrastructures routières. Et la vieille ville était fortement congestionnée. Les berges faisaient à peine partie du domaine accessible au public et étaient peu accessibles pour les piétons comme pour les cyclistes. Il était difficile de se promener le long de la rivière et de profiter de la proximité du cours d’eau en raison d’obstacles nombreux. De plus, plusieurs rues du centre, à proximité du fleuve, étaient bloquées par le trafic venant de l’axe très congestionnée du boulevard de Meuse. Il n’y avait pas de bancs agréables pour s’asseoir, se relaxer et profiter de la Meuse. C’était comme si la rivière n’appartenait plus à la ville. Il n’était nulle part possible de « toucher l’eau » à cause de dénivelés trop raides et de la hauteur des quais |3|.

Le plan

La nouvelle conception de l’espace public, aujourd’hui devenue réalité, vise à connecter à nouveau la ville à son fleuve. Le plan inclut deux quais à deux hauteurs différentes. Le premier est situé juste au-dessus du niveau de la Meuse ; le second plus haut, à hauteur de la ville. Ces quais comportent l’un et l’autre des voies piétonnes et cyclistes, des endroits pour s’asseoir et se détendre. Des jetées sont également ajoutées afin de permettre de s’approcher à nouveau de l’eau. Dans le plan initial, la voie automobile existante, le Boulevard de Meuse, avec son trafic restait en surface. En un endroit seulement, au niveau pont Sint-Servaas, il passait par un tunnel très court. À cet endroit, il était prévu d’installer un square avec un café et une terrasse (figure 12 et 13).

Le plan a cependant évolué au fil du temps et sa version finale inclut un tunnel d’environ 400 m de long, ce qui a rendu possible la création d’un boulevard piétonnier au-dessus du tunnel. Le Boulevard de Meuse « plonge » dans un tunnel le long du centre historique et resurgit quand il y a à nouveau un « tampon » vert entre la route et la Meuse. Pour résoudre les problèmes de congestion du centre ville, un parking souterrain a été créé qui n’est accessible que depuis le tunnel. On a construit un nouvel accès « en V » au pont Wilhelmina (le deuxième pont de Maastricht connectant les deux parties du centre historique), ainsi que le Mosae Forum. Ce projet à haute densité (conçu par les architectes Jo Coenen et Bruno Albert) inclut du logement, des espaces commerciaux ainsi qu’un nouveau bâtiment municipal comprenant des locaux administratifs et le nouveau lieu de réunion du Conseil communal. Ce projet a complètement restructuré la connexion entre la principale place de Maastricht (le Markt) et le fleuve (fig. 7 et fig. 14).
Collaboration

La Ville de Maastricht n’avait pas les moyens financiers de développer ce projet par elle-même. De plus, la plupart des biens immobiliers impliqués dans le projet ne lui appartenaient pas. C’est pourquoi, elle a collaboré avec deux opérateurs privés : 3W-Real-Estate (à l’époque MBO-Ruijters) et ING Real Estate. La municipalité a joué le rôle de développeur pour la partie publique, à savoir l’espace public et le tunnel pour le boulevard de la Meuse, la nouvelle maison communale ; tandis que 3W a développé l’ensemble des parties privées : les nouveaux logements, les parkings et le centre commercial. La municipalité étant tenue par la législation européenne, elle a lancé un appel public à projets. L’entreprise était complexe en raison de la collaboration public-privé, de l’implication de deux architectes pour le bâtiment du Mosae Forum, des différents appels à projets (publics et privés) et de la période totale de 12 ans prévue pour développer le projet |4|.

Le projet a été officiellement inauguré en 2007.

Quel bilan ?

La transformation du Boulevard de Meuse est aujourd’hui largement considérée comme un projet réussi |5|. La ville est mieux connectée au fleuve, ce qui a considérablement enrichi son potentiel touristique. De nombreux bateaux partent des quais pour faire un tour sur la Meuse. Le nouveau boulevard piétonnier, ses cafés et terrasses sont très animés. Les jours d’été ensoleillés, les berges — le quai inférieur comme le quai supérieur — sont bondées de piétons et de cyclistes profitant de la Meuse. Et les touristes comme les habitants traversent aisément le fleuve d’est en ouest et vice-versa.

Il y a néanmoins des éléments critiquables, liés principalement au manque d’accès visuel au fleuve. Parce que le tunnel est plus haut que le niveau du sol en certains endroits il n’est pas toujours possible d’apercevoir la rivière. C’est le cas au « Van Hasseltkade », l’ancien quai du canal connectant Liège et Maastricht. En outre, depuis certaines terrasses les activités du fleuve ne peuvent être vues. Mettre le tunnel plus haut que le niveau du sol répondait probablement à la nécessité de réduire les coûts et de limiter l’inclinaison des pentes menant aux ponts Wilhelmina et Sint Servaas. Mais un profil de dénivelé graduel aurait peut-être permis une meilleure connexion entre la ville et le fleuve (même si les pentes consomment plus d’espace). Un autre point critiquable se trouve au niveau des escaliers d’accès au Mosae Forum sous le « V » du pont Wilhelmina. Ces escaliers imposants qui devraient offrir un lieu où s’asseoir et flâner sont assez peu attractifs dans la mesure où la vue sur la Meuse est bloquée par le pont. Et les escaliers sont principalement utilisés par les pigeons.

Néanmoins, globalement, je dirais que le plan a réussi à rendre la Meuse aux citoyens. L’approche intégrale a [re]fait du boulevard de Meuse un espace public de Maastricht.

Maastricht comme exemple pour Liège ?

Rendre un accès à la Meuse, en rive gauche, c’est exactement ce qui manque à Liège. Le centre de la ville de Liège est déconnecté de sa Meuse par une voie automobile importante. Là aussi, se promener le long de la rivière est rendu compliqué par de nombreux obstacles. Et les endroits pour s’asseoir, se détendre et profiter de bord de l’eau sont rares.

Il y a, néanmoins, des différences techniques entre Liège et Maastricht. À Liège, les bâtiments sont, à certains endroits, situés plus près de l’eau, entre 15 et 20 mètres là où, à Maastricht, une largeur de 40 à 50 mètres était presque partout disponible (avec quelques réductions ponctuelles à 27-30 mètres). Les contraintes techniques liées à la stabilisation des bâtiments historiques et du quai pourraient donc s’avérer plus fortes. On peut dire que la situation à Liège est plus contraignante et pourrait amener à envisager un tunnel plus étroit. Et contrairement à Maastricht, placer le tunnel plus haut que le niveau du sol pour réduire les coûts sera difficile au vu du manque d’espace disponible pour résorber les différences de niveau |6|.

Globalement, je dirais que c’est « l’approche intégrale » de Maastricht qui offre le plus d’intérêt et la plus grande valeur. Le projet a considéré l’entièreté des berges, il a créé de la continuité entre les rues proches des berges et lié à ces rues les lieux pour s’asseoir et se détendre, des cafés et des jetées flottantes pour les bateaux de croisière. Et il a relié les deux rives du fleuve, la rive est et la rive ouest, par les passerelles réservées aux piétons et cyclistes. La revitalisation des berges de la Meuse à Liège, sera, de même, d’une grande valeur pour les citoyens de Liège et les touristes.

Traduction de l’anglais par Marie Schippers.

|1| Entretien particulier avec l’historien Emiel Ramakers.

|3| Hub Winkens, Rein Geurtsen et Jo Coenen, Rivieroevers Maastricht, Ruimtelijk Scharnier van twee stadsdelen, Gemeente Maastricht, 1992, ISBN : 9073094062.

|4| Beckers, K., van Luit, I., Timmer, G., Verlinden, I., (2008), Mosae Forum – Succesverhaal met verbeterpunten, Eindhoven : stan Ackermans Instituut, 2008. ISBN 97844407822.

|5| Ibid.

|6| Plus le tunnel est enfoncé dans le sol, plus il coûte cher. Et les coûts pour l’étanchéifier augmentent exponentiellement.

Pour citer cet article

De Jong L., « L’aménagement des berges de Meuse à Maastricht », in Dérivations, numéro 1, septembre 2015, pp. 68-73. ISSN : 2466-5983.
URL : https://derivations.be/archives/numero-1/mosae_forum.html

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