Dérivations

Pour le débat urbain

Le paysage du parking liégeois

Faut-il construire plus de parkings à Liège ? La question fait débat. Alors que certains évoquent la difficulté de se parquer et voient dans la construction de parkings supplémentaires une solution aux problèmes de stationnement au centre-ville, d’autres s’y opposent. Ce qui est certain cependant, c’est que la question du parking à Liège reste peu documentée. Dans cette contribution, Hélène Van Ngoc tente de démystifier le monde du parking à Liège et les enjeux relatifs à leur exploitation. Où se situent-ils ? Quelle est leur histoire ? Comment sont-ils gérés ? Quels sont leurs usages ? Elle propose ensuite quelques pistes de réflexion dans le débat sur la construction de nouveaux parkings.

Construit comme école d’équitation en 1853 et devenu théâtre par la suite, l’ancien Cirque des Variétés, situé à l’angle de la rue Lonhienne, serait le premier bâtiment à avoir été affecté, à Liège, à la fonction de parking, et ce de 1929 à 1965 |1|. Il s’agissait alors de locations mensuelles.

Le premier bâtiment à avoir été construit, en Belgique, pour servir de parking serait le « Parking’ 58 », construit à Bruxelles par la société Interparking à l’occasion de l’Exposition universelle |2|. Ce n’est qu’à la fin des années ’60, que sont érigées les premières infrastructures destinées à accueillir cette fonction en Cité ardente. Elles sont construites par des promoteurs et financées et vendues, emplacement par emplacement, à des investisseurs particuliers qui en deviennent co-propriétaires (210, Chestret, Sauvenière, Magnette, Saint-Denis,…). Ils occupent eux-mêmes ces emplacements, ou les offrent en location à d’autres particuliers ou à un exploitant de parking. Ils sont construits sur le domaine privé, souvent en démolissant le bâti existant. Les sociétés de parking commencent à les exploiter de manière rotative (à l’heure). Ces premiers parkings en ouvrage |3| sont presque tous équipés d’une station-service, d’un garage automobile et parfois d’un car-wash |4|.

Photographie : Marino Carnevale. Tous droits réservés.

À la même époque, on voit apparaître les premiers parkings associés à des fonctions publiques, commerce et logement. Le parking « Cité » est construit en même temps que la cité administrative de la Ville, dans le cœur historique, grâce à une concession sous le domaine public et à la démolition de tout un quartier. Il ouvre en 1966 |5|. En 1974, on construira, sur le même principe, le parking Saint-Georges situé sous l’îlot du même nom |6|. Le parking Hors-Château sera construit à l’occasion de la première rénovation du Musée de la Vie wallonne, entre 1963 et 1971 |7|. La société immobilière liégeoise Solico fera bâtir le parking Saint-Paul (1967-1969) |8|, équipé au rez-de-chaussée d’une pompe à essence et de magasins et surmonté d’appartements dans les étages supérieurs. Le même promoteur sera à l’origine de la galerie Opéra (inaugurée en 1981), dans laquelle on trouvera une galerie commerçante, des salles de cinéma et un parking en sous-sol.

Le parking Neujean et le Central Park étaient quant à eux initialement des garages (respectivement Ford-Demacar et Citroën-Dehon). On y exerçait la fonction de station-service et on y vendait et réparait des voitures. Ces garages, construits dans les années ’50, n’ont été transformés en parkings que dans les années ’70. La fonction de station-service subsistera pendant quelque temps, mais les garages (vente et réparation de voiture) déménageront en périphérie.

Dans les années ’70, le nombre de voitures continue à augmenter. Les villes commencent alors à concéder les sous-sol des espaces publics. Le parking Cathédrale est construit par la SA Parking Cathédrale, devenue depuis lors le principal opérateur sur le marché liégeois |9|, en parallèle à la semi-piétonisation de la place, en 1977. En 1973, la Ville évoque pour la première fois la construction d’un parking souterrain sous la Place Cockerill, mais ne le concrétise pas |10|. Le second parking de dimension significative sous l’espace public sera le parking Saint-Lambert. Bien que planifié dès la fin des années ’60, il n’a été inauguré, après de nombreuses vicissitudes, qu’à la fin des années ’90.

À côté des parkings en ouvrage, on trouve à cette époque différents parkings en plein air à Liège. L’emplacement où se trouve aujourd’hui l’ilot Saint-Michel, l’ancien site du théâtre Trianon sur le Boulevard de la Sauvenière, ou encore l’espace Tivoli, entre la Place du Marché et la Place St-Lambert, ont été exploités pendant de nombreuses années pour le stationnement, notamment par la société Uhoda |11|. Tous ces parking étaient des occupations « temporaires », situés sur des terrains « provisoirement » inoccupés (propriétés privées ou de la Ville), ce qui permettait aux exploitants d’éviter de nombreuses contraintes légales et règlementaires. Aujourd’hui, il reste cinq parkings de ce type à Liège : aux Guillemins (rue Bovy), sur le site de Bas-Rhieux (à proximité de l’hôpital Saint-Joseph), derrière la Grand-Poste, rue Saint-Hubert et à Jonfosse.

Au début des années ’90, la SNCB érige un parking de 700 places rue du Plan Incliné. Un troisième parking de 850 places est intégré dans la nouvelle gare, côté colline. Il est destiné, à terme, à remplacer le parking du Plan incliné qui doit céder la place à la construction de bureaux développés par la SNCB |12| (sous lesquels, cependant, il est envisagé de construire, en sous-sol, un gros millier de places de parking de stationnement). Un parking en plein air temporaire a également été ouvert rue Bovy, à l’emplacement des maisons expropriées par la SNCB dans le cadre de la construction de la gare. Ces parkings sont principalement destinés aux usagers du train, mais ils sont aussi accessibles aux riverains, commerçants et visiteurs.

À partir des années ’90, la multiplication ou le développement important des centres commerciaux en périphérie de de la ville (Belle-Ile, Cora,…), proposant du parking gratuit, a pesé sur la fréquentation des commerces du centre-ville. Certains commerçants du centre proposent alors une heure de parking gratuit à leurs clients. À cette fin, ils achètent directement des bons aux sociétés de parking. Certains cinémas et salles de spectacle proposent également cet avantage. Cette concurrence influencera sans doute les pouvoirs publics dans leur volonté de continuer à rendre la ville attractive pour les automobilistes.

Ainsi, la Ville ne cesse de vouloir construire de nouveaux parkings. En 2008, elle annonce sa volonté de construire deux zones de parcage supplémentaires sous le Boulevard d’Avroy et sous la Place Cockerill. Au départ, elle envisage de les construire et de les exploiter elle-même au travers d’une « Filiale publique des parkings de Liège » |13|. Par la suite, au vu de l’investissement nécessaire, elle décide de faire appel à des promoteurs privés. Le projet du Boulevard d’Avroy semble pour l’heure abandonné, faute de trouver un promoteur. En effet, situé trop loin de l’hypercentre, il n’a pas retenu l’attention des investisseurs. Celui de la Place Cockerill a, par contre, trouvé un promoteur : le consortium « Galiliège », composé des sociétés Galère SA, Alfa Park SA et Park Alizée SA. La concession du sous-sol lui a été attribuée en janvier 2014 par le Collège communal. Une demande de permis d’urbanisme a été déposée au printemps 2015, dont l’enquête publique s’est terminée le 30 juin 2015.

En 2009, a ouvert l’immense parking de la galerie commerçante « Médiacité ». À cette occasion, le parking de quelques centaines de places qui existait sous la galerie du Longdoz a été porté à 2 200 places. La centaine de places situées en dessous de la Place de l’Yser, jusqu’ici réservées à l’usage des équipes du théâtre, devraient être prochainement rénovées dans le cadre de la rénovation de la Place, puis ouvertes au public. Sur le site de Jonfosse, le parking en plein air d’environ 100 places sera remplacé par une piscine... sous laquelle se situera un parking de 173 places |14|.

Alors qu’on pense construire de nouveaux parkings à Liège, certains cessent pourtant d’être exploités de manière rotative. Les parkings Chestret (200 places, à côté de la Place de Bronckart) et « 210 » (210 places, rue Sur-la-Fontaine) n’ont plus d’exploitant par manque de clients rotatifs : on n’y trouve plus que des particuliers qui utilisent leurs places ou la mettent directement en location. Le parking situé rue Hors-Château (46 places) n’est plus exploité, lui non plus, de manière rotative. Il est revenu aux mains de la Ville à la fin du bail emphytéotique. Celle-ci l’a exploité pendant quelque temps avec des abonnements mensuels. Il est fermé depuis plusieurs années, en raison de sa vétusté. La Ville cherche à le faire rénover et exploiter par le secteur privé, tout comme trois autres parkings : Ferdinant Henaux, Fonds Saint-Servais et Place de l’Yser |15|.
On constate donc que la Ville se défait progressivement de son implication en tant qu’exploitante dans le domaine du parking et du stationnement. Elle envisage d’ailleurs, si l’on en croit son échevin de la mobilité |16|, de confier au secteur privé la gestion du stationnement en voirie. Dans le même temps, alors qu’ils existent déjà dans de nombreuses villes belges, la Ville de Liège attend toujours ses parkings de délestage en périphérie (celui de Vottem, dont l’enquête publique a eu lieu durant l’été 2015, étant le plus avancé). Ils devraient amener plusieurs milliers de places de parking supplémentaires (dont 2 650 dans le cadre du projet de tram).

Une analyse

À Liège, on compte 30 parkings publics hors-voirie exploités commercialement ou devant l’être prochainement. La plupart sont concentrés dans l’hypercentre, en rive gauche de la Meuse, et ont été construits entre la fin des années ’60 et les années ’80. La majorité d’entre eux sont des initiatives d’investisseurs et ont été construits là où ils pouvaient être rentables (près des commerces et lieux de travail). Quelques exceptions plus récentes sont localisées à côté de pôles d’attraction importants : Médiacité, Bas-Rhieux (à côté de l’hôpital Saint-Joseph), gare des Guillemins,... Au total, on comptabilise plus de 5 100 places de parking payant hors voirie dans le seul hypercentre, et plus de 10 000 à l’échelle de la ville.

Les parkings publics hors voirie se présentent sous de nombreuses formes. Ils peuvent être « aériens » (constructions à étage), souterrains ou encore à ciel ouvert. Les parkings « hybrides » combinent plusieurs de ces aspects. Nous différencierons également les parkings situés sur/sous des terrains privés des parkings situés sur/sous le domaine public. Selon leur conception et leur situation dans la ville, les parkings auront des niveaux d’intégration différents.

On jugera la qualité d’intégration d’un parking selon plusieurs critères : sa situation dans la ville, le trafic généré, la qualité architecturale,… Prenons par exemple les parkings souterrains. Leur construction nécessite un certain nombre d’infrastructures en surface : bouches d’aération, rampes d’accès voiture au parking, accès piétons (escaliers en plein air ou édicules). Le parking Place Cockerill, tel qu’il est prévu avec ses deux édicules d’accès piétons, ses deux doubles entrées/sorties pour voitures, serait le parking souterrain le plus encombrant de Liège. Son emprise serait bien supérieure à celle, par exemple, du parking Cathédrale qui ne possède qu’un escalier, un édicule, ainsi qu’une entrée et une sortie pour les voitures.

Quel prix ?

Les parkings en ouvrage proposent deux modes de paiement : le rotatif (à l’heure, pour les usagers qui se rendent en ville de manière ponctuelle) et l’abonnement, mensuel ou annuel.

Au centre-ville, le prix du parking rotatif oscille entre 1,7 euros à 2,2 euros pour la première heure |17|, ce prix étant souvent dégressif pour les heures suivantes. Un stationnement moins cher et donc plus intéressant la première heure ne le sera peut-être plus au bout de quelques heures. Seule une comparaison complète et précise de tous les tarifs pratiqués peut permettre de déterminer le prix le plus intéressant en fonction de l’usage souhaité, ce qui n’est pas du tout facile à faire pour l’usager.

Le prix des abonnements varie de 45 à 130 euros. Les abonnements les plus chers et limités parfois à certaines périodes de la semaine (seulement la nuit, 5/7j,…) se trouvent généralement dans les parkings qui ont le plus haut taux d’occupation. Les abonnements les moins chers sont localisés hors de l’hyper-centre. Il est paradoxalement moins cher d’acheter une vignette communale de stationnement en voirie (600 euros/an) |18| que de louer une place dans un parking.

Pour les promoteurs, exploiter un emplacement de manière rotative est plus rentable que de le louer par abonnement. Aucun parking n’a été construit pour être exploité uniquement par abonnements. L’exploitant de parking décidera donc de faire de l’abonnement sur les places qui ne sont pas occupées par le rotatif |19|.

Les exploitants

À Liège, la grande majorité des parkings sont exploités par des sociétés privées. Sur les 28 parkings fonctionnels, on en dénombre 21 gérés par le privé, trois gérés par le parastatal (la SNCB par l’intermédiaire de la société b-park), et seulement deux exploités par la Ville, parmi les plus petits, via sa Régie foncière. Il existe encore deux parkings qui n’ont plus de concessionnaires. Parmi les exploitants privés, on différenciera les grandes sociétés (présentes dans plusieurs villes et pays) et les exploitants indépendants.

Le territoire de la Ville de Liège comptabilise 13 exploitants de parkings différents. Ce nombre est relativement élevé comparé à d’autres villes qui n’en comptent qu’un seul (Bruges, Ostende, Maastricht,...). Cette situation permet une certaine concurrence et explique en partie un niveau des prix moins élevé qu’ailleurs. Mais elle rend plus difficile l’instauration d’une politique globale de stationnement.

Dans les villes où il n’y a qu’un seul exploitant, on constate que les prix sont significativement plus élevés. Cependant, il est plus facile d’élaborer une maitrise des prix, visant par exemple à dissuader l’automobiliste de pénétrer au centre-ville. À Maastricht, cela se traduit par des prix significativement plus bas dans la périphérie que dans le centre-ville (1,4 euros/heure en périphérie contre 2,6 au centre) |20|.

Le statut des parkings

À Liège, les parkings en plein air sont soit la propriété des exploitants soit des locations à des privés ou au pouvoir public. Les parkings situés sous l’espace public eux, sont généralement cédés sous la forme d’une concession.

Lorsque la Ville cède la concession d’un sous-sol, l’exploitant signe un bail emphytéotique (dont la durée varie de 27 à 99 ans). Le concessionnaire du parking doit se charger de construire les infrastructures dont l’entière propriété reviendra aux pouvoirs publics au terme du bail. Selon les conditions établies entre les deux parties, l’exploitant devra payer ou non des redevances.

Lorsqu’un sous-sol est concédé, une clause d’exclusivité est généralement signée |21|, par laquelle la Ville s’engage à ne pas accorder d’autres concessions dans un certain rayon, afin d’éviter la concurrence trop proche. La Place Cockerill n’est pas située dans un rayon d’exclusivité. Il a été question, par le passé, de construire sous la Place de la République Française, mais ce projet a été abandonné, notamment, car il était trop proche du parking situé sous la Place Saint-Lambert.

Ce que les parkings rapportent à la ville

Les parkings payants rapportent de l’argent à la Ville. Il existe une taxe communale annuelle, augmentée de façon importante depuis l’exercice fiscal 2015, de 100 euros/places/an |22|.

Les parkings rapportent également de l’argent à la Ville grâce aux centimes additionnels au précompte immobilier. En 2015, celui-ci s’élève à 127,05 euros par emplacement. Cette somme est divisée entre la Région (2,62 euros), la Province (45,94 euros) et la Ville de Liège (78,49 euros).

Certains parkings rapportent également de l’argent à la Ville s’ils sont situés sur des terrains communaux ou dans l’espace public. Si un parking était construit sous la Place Cockerill, l’exploitant devrait payer des redevances annuelles basées sur le chiffre d’affaires |23|.

Dans l’ensemble, on peut estimer que le parking en ouvrage rapporte environ 1,6 million d’euros par an au budget communal |24|.

Politique de la Ville de Liège

La Ville de Liège, dans son plan communal de mobilité, a annoncé sa volonté de rendre le parking en ouvrage plus attrayant que le parking en voirie pour les usages de moyenne et longue durée. Cet objectif devait se traduire notamment par la maitrise du prix des parkings en ouvrage. Il faudrait que le stationnement de moyenne et longue durée y soit significativement moins cher que dans les parkings en voirie.

À partir de la fin des années 2000, la Ville demande aux exploitants de parking de diminuer leurs prix, ne voulant pas augmenter le prix du stationnement en voirie. Devant le refus des exploitants, la Ville décide de s’engager dans la construction de deux nouveaux parkings, sous le Boulevard d’Avroy et sous la Place Cockerill, avec l’objectif déclaré d’obliger le marché à s’aligner sur les prix plus bas qu’elle compte y pratiquer. Elle pense en effet les construire et les exploiter elle-même. Ces parkings seraient « le seul moyen pour obliger les exploitants de parking à baisser leurs prix » |25|. Le projet sera finalement abandonné, notamment en raison de l’importance des investissements. Un marché public a depuis lors été lancé afin de trouver un exploitant privé.

La taxe sur les emplacements des places de parkings ne cesse d’augmenter. Fixée au en 2012 à 20 euros/place/an, elle monte à 35 en 2013, à 60 en 2014 |26|, et à 100 en 2015 |27|. Cette augmentation a déjà été — plus que largement — répercutée dans leur prix par les exploitants.

Nous constatons que la Ville éprouve des difficultés à rencontrer les objectifs qu’elle a annoncés dans le PCM de 2004. En effet, alors qu’elle voulait le diminuer, le prix du parking en ouvrage a augmenté de manière significative. Le stationnement en voirie, une fois privatisé, va très probablement devenir plus cher, avec le risque, si la Ville ne pose pas de conditions strictes, que l’exploitant impose de nouvelles règles (élargissement des heures payantes, tarifs,...). Bien sûr, l’objectif de rendre le stationnement en voirie plus cher que le parking en ouvrage pourra être atteint, mais les prix seront-ils abordables pour les visiteurs, habitants et commerçants du centre-ville |28| ?

Taux d’occupation

Il est à ce jour très difficile de calculer les taux d’occupation d’un parking. En effet, certaines places sont occupées par du stationnement rotatif, d’autres par des abonnements et par des propriétaires de places de parking.

Cependant, selon les propriétaires des parkings les plus centraux, il n’existe aucun problème de saturation, hormis lors d’évènements exceptionnels (premiers jours de soldes, fêtes,…) où seuls quelques parkings affichent complets. À ce jour, aucune étude sérieuse permettant de déterminer les niveaux de saturation et les besoins n’a été réalisée.

Quelques pistes de réflexion

La Ville de Liège a défini dans son projet de mobilité toute une série de mesures afin de diminuer l’impact de la voiture au centre ville. L’attractivité des transports en commun, la promotion des déplacements doux, le développement de zones de covoiturage font partie de ce programme. La Ville souhaite également préserver les places en voirie pour les stationnements à courte durée et pour les riverains. Pour ce faire, elle alloue un rôle important aux parkings en ouvrage et souhaite encourager les automobilistes souhaitant stationner pour une moyenne ou une longue durée à rejoindre ces derniers (contrôles fréquents des véhicules stationnés sur des places à horodateur, suppression de places de stationnement en voirie,...).. Cependant, est-il nécessaire pour autant de construire plus de parkings dans l’hypercentre ?

Il est tout d’abord nécessaire de se rappeler que l’augmentation de l’offre en parking (que ce soit en ouvrage ou en voirie) encourage les automobilistes à se rendre en ville en voiture. L’omniprésence de la voiture a de nombreuses conséquences sur la santé et sur la qualité de vie en ville, ainsi que sur l’efficacité des transports publics, parfois paralysés dans les embouteillages… Liège souffre beaucoup de la congestion automobile lors des heures de pointe. Comme cela se fait dans beaucoup de villes européennes, une diminution progressive de l’offre en stationnement couplée à la mise en place d’alternatives convaincantes est une approche à privilégier. Ces mesures pourraient être complétées par un large travail de sensibilisation, car l’utilisation de la voiture reste un réflexe pour de nombreuses personnes, même lorsqu’il s’agit de distances courtes ou qu’il est possible de prendre les transports en commun.

Il devient également difficile à ce jour de justifier la construction de parkings en ouvrage supplémentaires au centre-ville, car le contexte d’aujourd’hui ne sera pas celui de demain. La Ville a, dans son projet, planifié le développement des transports publics et des modes de déplacements actifs (vélo, marche,…). Les travaux actuels visent aussi à rendre le centre-ville de Liège moins accessible par la voiture. Si ces projets sont menés à terme et de manière convaincante, la demande pourrait diminuer.

Par ailleurs, des alternatives existent pour optimiser l’utilisation du parking existant. En effet, nous savons que l’ensemble des parkings, presque tous localisés dans l’hypercentre, n’arrivent jamais à saturation. En termes de disponibilité et de visibilité de l’offre, la Ville de Liège est en retard, comparée à d’autres villes (Maastricht |29|, Gand,…) où des systèmes de signalisation électronique et applications numériques (sites web, applications pour smartphones) permettent de savoir en temps réel où se trouvent les parkings libres et quelle est la densité du trafic. Ces mesures auraient pourtant l’avantage d’éviter le trafic généré par les automobilistes cherchant à se garer. À Gand, la Ville a même mis en place un service appelé « parkingmakelaar ». Il est chargé de créer des solutions innovantes pour mieux utiliser les parkings existants que ce soit pour les voitures ou les vélos. Des sites internet et applications smartphone permettent également aux particuliers de louer leurs propres places de parking |30|.

À Liège, certaines entreprises privées (BNP-Fortis, Ethias, Axa,...) ainsi que des institutions publiques possèdent des parkings, qui sont souvent vides hors des heures de bureau. Comme cela se fait dans d’autres villes, ces parkings pourraient être ouverts au public hors de ces plages horaires, notamment lors des périodes de risques de saturation (les samedis, lors du marché de Noël, ...).

Pour conclure, on constate que la politique de la Ville de Liège concernant le stationnement demeure ambigüe. La Ville travaille d’une part au développement d’alternatives à l’automobile mais, d’autre part, elle veut continuer à rendre son utilisation attractive au centre-ville. Il serait souhaitable que ces alternatives soient mises en place de manière prioritaire à la construction de parkings supplémentaires. Des chiffres encourageants laissent percevoir une évolution positive : on sait par exemple que le nombre de déplacements sur le réseau TEC est passé de 133 000 à 300 000 entre 2000 et 2012 |31|. La Ville estime également que le nombre de cyclistes augmente de 10 % par an |32|,… Cette évolution montre qu’une diminution progressive de l’offre en stationnement à Liège devient envisageable.


L’emploi dans le secteur du parking

Dès la création des premiers parkings, il y avait pendant la totalité des heures d’ouvertures, au moins un caissier à la sortie du parking. Le nombre de caissiers était fonction du volume de l’activité. Il y avait, en outre, du personnel de nettoyage et parfois de surveillance.

Les premières caisses automatiques sont apparues au début des années ’80. Généralement, une personne restait sur place pendant la totalité des heures d’ouverture pour assurer l’entretien du matériel, répondre aux défaillances techniques et entretenir le bâtiment.

On observe aujourd’hui une disparition progressive du personnel permanent. En effet, l’entièreté des tâches de nettoyage et de surveillance peuvent être sous-traités à des sociétés extérieures. Les clients ont la possibilité d’appeler, via des boutons d’interphonie, un call center qui répond en cas de défaillance du matériel. Pour éliminer tous les problèmes relatifs au malfonctionnement de la caisse automatique (et donc éviter de faire appel à du personnel), certaines machines n’acceptent plus de cash et le payement s’effectue uniquement via des cartes bancaires. À Liège, la SNCB est pionnière dans ce domaine.


Nouveaux usages

Les besoins des usagers des parkings évoluent. Ainsi, le succès croissant de la voiture électrique devrait amener du changement dans les parkings en ouvrage. On voit déjà apparaître des bornes de rechargement dans certains parkings (Guillemins, Médiacité,...). Le parking ne sera plus seulement le lieu de stationnement des véhicules mais sera également le lieu de chargement des batteries.

Si le vélo électrique venait à se banaliser, il pourrait également faire son apparition dans le marché du parkings en ouvrage. En effet, le vélo électrique est significativement plus cher (entre 1000 et 4000 euros), et a besoin d’être rechargé. Son utilisateur pourrait avoir besoin d’un lieu sécurisé où parquer et recharger son vélo. Les travailleurs comme les habitants ne disposent pas toujours d’espace approprié à cet effet.

Par ailleurs, si la plupart des parkings sont actuellement réservés aux voitures, cette situation pourrait être amenée à évoluer. À Liège, seuls les parkings Saint­-Georges et Saint-Denis proposent des infrastructures pour les motos. Ces mêmes parkings proposent quelques emplacements vélos, ce qui est aussi le cas à la gare des Guillemins. Cependant, ces emplacements pour les vélos restent réservés à la clientèle venue s’y parquer et ne sont pas destinés à tous les cyclistes.

À ce jour, hormis à la gare des Guillemins, il n’existe pas de parking vélo sécurisé au centre-ville. La construction de parkings vélos sécurisés supplémentaires ainsi que l’installation d’emplacements vélos dans les parkings en ouvrage est une piste à développer (pour les riverains, pour les navetteurs,...) |33|. En effet, le manque de lieux sécurisés pour les vélos est un des freins à son utilisation dans le centre-ville.

|1| Marcel Conradt, Histoire des théâtres a Liège (1850 à 1975), Editions du Céfal, Vol. 3, pp. 142-143.

|2| Mikolajczak C., « Parkings, nouveau terrain de jeu des investisseurs », in La Libre Belgique, 13 décembre 2006.

|3| Ce terme désigne aussi bien les parcs de stationnement souterrains que les constructions en hauteur dédiées — au moins partiellement — au parking, par opposition au parking en voirie.

|4| Entretien avec Philippe Halleux, Orlamonde SA, juillet 2015.

|5| Charlier S., « La cité administrative de Liège », in Les Nouvelles du patrimoine n°121, Juillet-Août-Septembre 2008, dont une version actualisée est publiée dans le présent numéro de « Dérivations », pp. 108-113.

|6| Moor, T. & Charlier, T. (dir.), Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014. Liège, Mardaga, 2014.

|7| Site web de la Province de Liège « Le Musée de la Vie Wallonne » http://www.provincedeliege.be/fr/node/834.

|8| Entretien téléphonique avec Stéphanie Sgobba, SA Parking Saint-Paul, Août 2015.

|9| Sous la marque « MyPark », cette société est spécialisée dans les métiers du parking, de la conception à l’exploitation, en ce compris le financement. Sa stratégie est axée sur l’implantation au coeur des villes, dans six villes en Belgique : Antwerpen, Bruxelles, Liège, Leuven, Louvain-la-Neuve et Namur. Son chiffre d’affaire est passé d’un million en 1986 à près de 22 millions en 2013 (http://www.mypark.be/index/entreprise, page consultée le 22 août 2015).

|10| Blavier, G., Futur parking souterrain : il faut savoir faire marche arrière, interpellation au Collège communal du 27 janvier 2014.

|11| Qui exploite aujourd’hui les parkings Kennedy, Neujean et Gretry (http://www.ucarservices.be/cat/parking/).

|12| « Ce parking des Guillemins où l’on ne s’est jamais garé », in L’Avenir, le 4 octobre 2013.

|13| Bodeux Ph., « Pourquoi plus de parkings ? », in Le Soir, 2 avril 2009.

|14| Gochel L., « Liège : la nouvelle piscine de Jonfosse prête en 2016 », in La Meuse, 18 janvier 2013.

|15| Ville de Liège, octroi d’une concession de travaux publics pour la mise en état, la mise en conformité, la gestion et l’exploitation du « Parking Place de l’Yser » et pour la gestion et l’exploitation du « Parking Fond Saint-Servais » et du « Parking Ferdinand Henaux » à 4000 Liège (lot 1) et octroi d’une concession de travaux publics pour la mise en conformité et l’exploitation d’un parking rue Hors-Chateau (lot 2), In Bulletin des adjudications online, 25 juin 2015, http://www.ebp.be/fr/bda-online/12016111/ville-de-liege-logement-regie-fonciere, page consultée le 22 août 2015.

|16| Flégéo A., « Vers une privatisation du stationnement », in Le Soir, 24 décembre 2013.

|17| Voir le tableau synthétique à la fin de cet article.

|18| http://www.liege.be/mobilite/voiture/voiture#voirie, site consulté le 20 août 2015.

|19| Le mode de fonctionnement de la clientèle rotative est de choisir son parking en fonction de la distance entre ce parking et le lieu elle veut se rendre, de ses habitudes, de la visibilité du parking (qualité de la signalisation), de la facilité d’accès,... Très peu de clients comparent le prix des parking. Lorsqu’il s’agit de prendre un abonnement ou de louer un emplacement chez un particulier par contre, ce qui est une dépense récurrente et plus importante, le clienta tendance à comparer les prix et est plus volontiers prêt à marcher quelques centaines de mètres (Entretien avec Philippe Halleux, société Orlamonde, juillet 2015).

|20| http://www.maastrichtbereikbaar.nl/fr/a-propos-de-nous, site consulté le 20 août 2015.

|21| Entretien avec Philippe Halleux, société Orlamonde, juillet 2015.

|22| « La ville de Liège augmente ses taxes pour équilibrer son budget », Belga, 5 décembre 2014.

|23| Bechet M., « Enfin un parking sous le Quai-Sur-Meuse », in La libre Belgique, 26 janvier 2014. O.Thunus « Liège : le nouveau parking quai sur Meuse opérationnel d’ici trois ans », in Rtbf, 27 janvier 2014

|24| La ville comptabilise pas moins de 8 749 places exploitée par des sociétés de parking. Elles rapporteraient chacune 178,49 euros (taxe + précompte immobilier).

|25| Bodeux Ph., « La Ville lance ses parkings », in Le Soir, 26 novembre 2008.

|26| Bechet M., « Liège saigne le parking privé », in La Dernière heure, 11 décembre 2013.

|27| Belga, 5 décembre 2014, op. cit.

|28| En Suisse, « les recettes de parkings payants servent directement à financer des aménagements qualifiés d’accessibilité (et non de mobilité) via un ’fond parking’ institué par la loi et qui est chargé d’effectuer des aménagements cyclo-pédestres. L’idée est que ce qui importe est que les lieux soient accessibles, et non que les personnes soient mobiles » (Intermodalités et partage de l’espace public, étude de l’asbl urbagora, 2013, p. 43.).

|30| Par exemple parkadom.com ou monsieurparking.com.

|31| Tableau de bord de la Ville de Liège, 2014.

|33| Vademecum en région de Bruxelles Capitale n°7 – Stationnement Vélos – Bruxelles Environnement.

Pour citer cet article

Van Ngoc H., « Le paysage du parking liégeois », in Dérivations, numéro 1, septembre 2015, pp. 24-33. ISSN : 2466-5983.
URL : https://derivations.be/archives/numero-1/le-paysage-du-parking-liegeois.html

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