La maison Rigo, à Liège
De la difficulté à définir une politique du patrimoine
C’est une jolie maison, de style « néo-mosan », située en bord de Meuse, au coin de la rue de Fragnée et de l’avenue Blonden, un environnement qui en train de disparaître pour céder la place à la vaste esplanade des Guillemins et à de nouveaux développements immobiliers — la nouvelle Tour des Finances domine les lieux depuis quelques années de sa massive silhouette et d’autres immeubles sont annoncés pour les années à venir.
Si l’édifice — qui n’est pas classé au patrimoine — a jusqu’à présent survécu à l’impressionnante vague de démolitions qui a frappé le quartier des Guillemins, il est pourtant directement menacé, ce qui soulève le cœur des défenseurs du patrimoine, qui se sont mobilisés pour tenter d’empêcher sa démolition.
L’immeuble est désormais au centre d’une polémique. Pour les uns, ce n’est que du « faux-vieux » dont la préservation n’est pas prioritaire par rapport à d’autres enjeux patrimoniaux. De surcroît, sa localisation — dans l’axe de la nouvelle esplanade, entre la passerelle et la gare — plaide contre lui, après qu’un compromis ait douloureusement été trouvé quant à l’avenir urbanistique du quartier. Le Master plan qui a formalisé ce compromis a mis un terme au projet de centaines de démolitions supplémentaires — mais la Maison Rigo n’a pas été identifiée à l’époque comme un enjeu.
Pour les autres, cet hôtel particulier érigé en 1916 par le banquier Rigo est représentatif d’une époque et typique d’un style original, qu’il soit « néo » n’y change rien. Construit pour durer, en bon état, ayant coûté aux pouvoirs publics près d’un million d’euros en rachat, il contient des éléments d’architecture et de décoration intérieure datant des XVIIe et XVIIIe siècles (cheminées, lambris, linteaux, carreaux de Delft, rampe de fer forgé, d’escalier, etc) dont même la sauvegarde reste incertaine. À leurs yeux, sa réaffectation est possible, comme point d’accueil et d’information touristique, comme brasserie,... D’autres encore ont évoqué la possibilité d’un démontage et d’une reconstruction dans un autre lieu — une option très couteuse, cependant.
Au-delà des détails de la cause, la rédaction de Dérivations a été interpellée par l’intensité de ce débat, par les passions virulentes qu’il a déclenché, par les questionnements, larges, qu’il suscite. À travers le cas Rigo, c’est toute la politique du patrimoine qui est mise en débat — et c’est la raison pour laquelle il nous a semblé utile de réunir, à l’occasion d’une table ronde, cinq personnalités soucieuses de patrimoine et impliquées dans la réflexion née du « cas Rigo ».
Cette table ronde s’est tenue le 11 novembre 2016 et était animée par François Schreuer et Caroline Lamarche.
Elle a réuni les cinq personnalités suivantes.
Alain Lebrun. Avocat spécialisé en urbanisme, conseil de l’asbl Le Vieux-Liège, ici à titre personnel, comme observateur et citoyen.
Claudine Houbart. Professeure à la faculté d’architecture de l’ULg, membre de la Commission des Monuments et Sites, s’exprime à titre personnel.
Madeleine Mairlot. Présidente de l’asbl SOS Mémoire de Liège, administratrice du Vieux-Liège asbl, rédactrice de la revue La Chronique.
Daniel Dethier. Ingénieur civil architecte et urbaniste, professeur à l’ULB, membre de l’Académie Royale de Belgique. Il a dirigé la réalisation du Master plan des Guillemins. Il est l’auteur de la nouvelle place des Guillemins.
Thomas Moor. Historien, co-directeur du « Guide d’architecture moderne et contemporaine de Liège » (éd. Mardaga / FWB), membre du groupe « Liège moderne », au sein d’urbAgora.
Le compte-rendu de cette table ronde est à découvrir dans le numéro #4 de Dérivations.
Pour citer cet article
« La maison Rigo, à Liège », in Dérivations, numéro 4, juin 2017, pp. 196-203. ISSN : 2466-5983.URL : https://derivations.be/archives/numero-4/la-maison-rigo-a-liege.html
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