Editorial
Ce quatrième tome de notre jeune revue, chers lecteurs, a connu un accouchement difficile. Vous deviez le recevoir en mars, le voici qui arrive seulement à l’orée de l’été. Mais c’est un beau volume, riche de multiples petites pépites que vous découvrirez au fil des pages, trop riche en fait – nous nous promettons de ne plus refaire autant de pages. Il est dû, une fois encore, à la mobilisation bénévole de dizaines de contributeurs – nous en avons compté 64, pour ce seul numéro 4.
Une grande nouveauté marque cette livraison : le registre de l’enquête qui fait son entrée. À travers une série de quatre articles, nous explorons ici la stratégie immobilière d’Ogeo Fund, le fonds de pension de plusieurs intercommunales liégeoises, dont Publifin. Fin 2015, ce fonds public gérait plus de 1,1 milliard d’euros, dont 220 millions ont été investis dans la brique. Quelle vision urbanistique anime les gestionnaires du fonds ? Selon quels critères décident-ils d’investir dans tel ou tel projet immobilier ? Et quel est l’impact urbanistique de ces investissements ? Avec ce fonds, les pouvoirs publics ont en effet un fameux levier d’action sur la ville et le vivre ensemble.
Mais Ogeo Fund conserve jalousement ce levier et communique le moins possible à son sujet. Malgré le climat politique particulier, et en dépit du vent de la transparence qui n’a jamais soufflé aussi fort sur les institutions publiques, Ogeo Fund se mure dans un silence arrogant et une opacité d’un autre âge. Demander la simple liste de ses investissements dans la brique s’apparente, semble-t-il, à un crime de lèse-majesté. Face au refus du fonds de pension de communiquer sur ce point, Dérivations a donc enquêté afin d’établir l’inventaire le plus complet possible de ses bâtiments et projets immobiliers. Nous avons ainsi identifié 19 immeubles et 34 projets de construction. Parmi eux, quelques fiascos retentissants. Et plusieurs projets clairement politisés. On comprend dès lors mieux pourquoi moins du tiers de la liste que nous avons établie est en fait rendu public par Ogeo…
Pour le reste, vous retrouverez les ingrédients qui ont fabriqué jusqu’à présent la revue que vous connaissez : de l’analyse, d’abord, que nous voulons engagée et rigoureuse, pour documenter un présent qui nous échappe bien trop facilement ; mais aussi de la photographie, des rencontres avec penseurs ou acteurs, du dessin, de la fiction…
Les contributions que vous lirez proviennent d’un cercle qui s’élargit progressivement, ce qui contribue à décloisonner et mettre en perspective les images et les lieux. On pense à Point Culture, qui nous a proposé le « grand entretien » que vous lirez, avec le géographe irlandais Philippe Lawton.
On pense à Nora Unger, de Hambourg, pour « histoire d’un lieu », ou encore à Anne-Françoise Lesuisse, qui nous livre un compte rendu intime du travail d’Aglaia Konrad sur les « Desert cities ». Ou encore au tandem composé de Sinan Logie et Yoann Morvan qui nous emmène dans la fabrique de la métropole stambouliote.
Dérivations reste à ce jour fortement enracinée dans la sphère liégeoise, mais nous avons l’ambition d’en faire une revue qui parle de la ville telle qu’elle se fabrique et telle qu’elle est vécue, bien plus largement.
Bonne lecture !
Pour citer cet article
Geurts P., Lamarche C., Schreuer F., « Editorial », in Dérivations, numéro 4, juin 2017, pp. 1-2. ISSN : 2466-5983.URL : https://derivations.be/archives/numero-4/editorial.html
Vous pouvez acheter ce numéro en ligne ou en librairie.